Les collages d’Alfonso López Gradolí: Dislocation, amoncellement et aporie des bouts de papier pour la construction d’une voix
Palavras-chave:
Poésie visuel, Collage, Utopie / hétérotopie, Sujet, Voix poétiqueResumo
Depuis le milieu du XXème siècle, le collage de papiers ou d’objets constitue une modalité de la poésie visuelle. A l’hétérogénéité des fragments définitoire, du collage, la poésie expérimentale ajoute celle des procédés et des arts en présence. Alfonso López Gradolí est certainement le seul à avoir pratiqué le collage avec une telle constance. Il publie en 1971 le recueil Quizá Brigitte Bardot venga a tomar una copa esta noche, puis, en 2013, l’anthologie de collages Libro de collages. Premièrement, nous observerons que les objets hétérogènes “collés” sur la page constituent les témoins d’une matière rapportée telle quelle, d’un passé, voire d’une figure centrale. Le collage est souvent adopté comme forme de l’hommage, chez A. López Gradolí. Mais la pluralité de lieux (Marc Augé) rapporté sur la page construit un espace inédit qui transforme et transcende les lieux d’origine. Le collage apparaît comme un non-lieu, une utopie, voire une hétérotopie (M. Foucault). Son organisation interne n’est pas sans évoquer “l’inquiétante étrangeté” freudienne. Le procédé collagiste est le véhicule de fantasmes, ce qui permet l’émergence d’une subjectivité. La page du collage se fait le lieu d’une quête du sujet. C’est le deuxième aspect exploré par cet article. Sous l’hétérogénéité des fragments, se pose une voix unique, surgie de l’interaction des objets (documents, images) et du discours. Certaines compositions de Libro de collages renvoient précisément à l’expérience artistique et poétique de l’auteur. Par ailleurs, l’introduction d’une perception subjective constitue la problématique fondamentale soulevée par le recueil Quizá Brigitte… pourtant apparemment tourné vers l’interlocuteur. La répétition fonde la dynamique structurale du recueil et à travers elle le collage prétend saisir l’essence de son objet. Il donne corps à un discours érotique, proche du fétichisme, qui débouche sur une volonté d’appropriation et, enfin, la fondation d’un discours propre et inédit, nourri de son rapport à l’autre. Par ailleurs, nous observerons que la voix se caractérise souvent par sa fragilité. Sur le collage, les espaces blancs, les vides, les apories constituent le paradoxal espace nécessaire à la voix. Le collage est pris dans des dynamiques contraires : choc des fragments multiples pour la construction d’une voix unique, étrangeté et reconnaissance des objets, identité et permanence d’un sujet.